Que retenir des prédictions stratégiques de 2022 de Gartner pour la Belgique ?

Entretien avec Emmanuel Binard, RVP Belgium & Luxembourg, Gartner
Emmanuel Binard cadré
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Données synthétiques, nouvelle définition du management, cybersécurité, composabilité data et Cloud : les prédictions stratégiques de Gartner pour l'année 2022 sont toujours une source d'attention pour tout le secteur IT. Pour en parler, nous avons invité Emmanuel Binard, RVP de Gartner pour la Belgique et le Luxembourg.

Les grands enseignements

Que faut-il retenir des Gartner Top Strategic Predictions pour 2022 et au-delà ?

  • D'ici 2025, les données synthétiques remplaceront la collecte de données personnelles
  • D'ici 2024, 30% des équipes en entreprise n’auront plus de boss
  • D'ici 2024, une cyberattaque pourra se traduire par une riposte physique
  • D'ici 2024, 80 % des DSI adopteront la composabilité

Données personnelles et données synthétiques

Les prédictions stratégiques de Gartner pour l'année 2022 indiquent une tendance forte : la vie privée et le comportement sont désormais intimement liés. Les citoyens comprennent les enjeux de souveraineté et de traitement des données personnelles. La question de la territorialité des données devient un enjeu stratégique.

Qu'entendre par souveraineté ? Pour Emmanuel Binard, les consommateurs vont de plus en plus "exiger d'obtenir une part de la valeur générée par leurs données". Pour les entreprises, il s'agit aujourd'hui, face aux nombreux scandales, de "montrer plus de transparence dans l'exploitation des données, sans compromettre la vie privée des utilisateurs finaux".

Les données synthétiques (également appelées données de synthèse) vont permettre de réconcilier utilisateurs et marques en évitant la collecte directe et brute de données personnelles. Ces données sont créées artificiellement à l'aide d'algorithmes. "Elles seront très utiles pour protéger ce que l’on appelle la data privacy, mais elles sont aussi essentielles pour l'IA, car elles vont alimenter la plupart des modèles", commente Emmanuel Binard.

Au niveau d’un pays ou d’un secteur, l’utilisation des données synthétiques peut être cruciale. Prenons par exempe l’économie circulaire Pour gérer des problèmes comme les goulots d’étranglement de chaines logistiques qu’on a bien connus dans les premières phases de Covid, ont doit disposer des données issues de bien des acteurs, parfois concurrents. Le recours à des données synthétiques, permet de trouver des solutions plus rapides à ce type de problèmatique.

Le recours aux données synthétiques devrait éviter 70 % des sanctions pour violation de la vie privée.

Nouvelle définition du management

D'ici 2 ans, un tiers des équipes en entreprises ne trouveront plus de "boss" à leur tête, en raison de la nature hybride et autodirigée du travail.

On trouve déjà de nombreux exemples de ce que l'on appelle les "fusion teams" dans des domaines comme les banques, les assurances ou les télécommunications : "La décision de gérer les produits glisse au niveau des équipes et cela se voit aussi au niveau des gestions de team agile, où les gens non productifs ne sont plus vraiment tolérés".

En Belgique, "30% des équipes n'auront plus de boss, grâce à des nouvelles méthodologies de travail", mais ce n'est pas un phénomène nouveau : "cela a commencé chez nous en 2014 avec certaines banques belges. On observe par ailleurs déjà des fusion team dans 80% des sociétés".

Avec une question en corollaire, qui se pose depuis quelques années, mais va désormais devoir trouver une réponse : "Quid du middle manager ?" S’il ne peut plus donner des ordres, quel est son rôle?

De la cyberattaque à l'attaque physique

D'ici 2024, une cyberattaque va tellement endommager les infrastructures critiques des entreprises, des institutions et des États qu’un membre du G20 pourra riposter par une attaque physique. "La riposte au cyber, pourrait résulter en une guerre physique", admet le RVP de Gartner pour la Belgique.

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Composabilité : tendance lourde

D'ici 2024, 80 % des DSI citeront la refonte modulaire de l'entreprise par le biais de la composabilité comme l'une des cinq principales raisons de l'accélération des performances de l'entreprise.

De quoi parle-t-on exactement ? Avant d'y répondre, Emmanuel Binard dresse un bilan. "On observe une nécessité de rapidité dans le changement qui s’opère. Les exigences clients changent elles aussi rapidement. Nous sommes dans une forme d'incertitude à 3 niveaux : sociétale, économique et environnementale. Il faut donc penser composable". Traduction : disposer de modules et de méthodes avec lesquels on travaille plus rapidement.

Le Composable Thinking consiste à encourager les équipes à travailler ensemble pour insuffler une culture d'essai au sein de l'entreprise et prendre des risques : "Il faut casser les habitudes pour rendre les entreprises plus flexibles, on ne fait plus comme on a toujours fait".

"La Belgique investit plus qu'auparavant, mais elle doit surtout investir dans des secteurs de croissance", reconnaît le RVP de Gartner, qui évoque un frein à ce changement de paradigme, citant, "une culture un peu trop frileuse par rapport au risque et une utilisation encore très basique des outils technologies de collaboration. Les plate-formes techniques sont là, mais les mentalités comme les méthodes de travail doivent encore évoluer pour nous permettre de développer de manière plus modulaire et plus rapide des nouvelles propositions de valeur".

Emmanuel Binard reconnaît toutefois que le Benelux ne se défend pas trop mal face à ses voisins : "Nos entreprises belges et luxembourgeoises sont mieux classées au niveau de l’indice de composabilité que la France et l’Allemagne (10% des entreprises interrogées ont un indice haut de composabilité)".

Emmanuel Binard cadré

"Il faut casser les habitudes pour rendre les entreprises plus flexibles, on ne fait plus comme on a toujours fait", E. Binard, Gartner

Les domaines où le Benelux investit

Le rapport 2022 de Gartner indique 3 domaines où les CIO Benelux investissent fortement: : la cyber-sécurité, le Cloud et les données (data).

Logique pour Emmanuel Binard ! "Avec la pandémie, la sécurité s'est déplacée des enceintes au poste du travail des employés, désormais en télétravail. Jamais le risque d'exposition des SI des entreprises n'a été aussi grand. Plus on multiplie les points d'entrée, plus les risques sont élevés." Le magazine Data News par exemple notait récemment une augmentation de 66% des incidents de cyber-sécurité en Belgique.

Fait notable : "Nos entreprises prennent conscience que la sécurité n'est pas une problématique propre au CIO, mais qui doit concerner l'ensemble du board". Conséquence : business et DSI doivent désormais définir ensemble les budgets alloués à la sécurité. Il n’est simplement pas possible de prévenir tous les risques ou d’investir à l’infini. Il faut faire des choix, qui sont des choix “métier”.

Est-ce suffisant ? Pas partout.

L'étude invite ainsi les entreprises à rééquilibrer les investissements dans des domaines plus porteurs de croissance. 38 % des répondants mondiaux investissent en premier lieu dans des initiatives de transformation numérique de l'entreprise alors que le Benelux affiche seulement 26%. Même constatations pour l'IA, où les "augmentations d'investissement sont moins importantes au Benelux que dans le reste du monde".

Investissements technologiques Belux 2022 Gartner
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