Comment nous déplacerons-nous demain ? Le pari du "MaaS"

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La promesse du MaaS (Mobility-as-a-Service) ne pourra se réaliser qu’en créant un réel éco-système où public et privé travailleront de concert. Tout l’enjeu consiste à agréger les différentes offres au bénéfice de l’expérience client la plus riche.

« Et si Amazon était le modèle ? L’entreprise de Jeff Bezos a démarré avec les livres pour ensuite s’ouvrir à tous les acteurs du e-commerce. C’est d’une marketplace dont le MaaS a besoin. Ce serait un excellent moyen de bénéficier de relais de croissance par le biais d’acteurs tiers de la mobilité sans passer par une phase de sourcing, de négociation et de contract management forcément lourd… ». Cette question, c'est Pierre-André Rulmont, CIO de la STIB, qui la soulève pour introduire le concept de MaaS.

Métro, bus, tramways, taxis, VTC, autopartage, covoiturage, vélos, scooters et trottinettes en libre-service… L’idée ? Rassembler ces diverses offres de transport dans une application unique pour offrir aux usagers un service de mobilité multimodale « tout en un ». Initié ici et là, avec des succès divers, le MaaS tend à devenir une solution prometteuse aux grands défis de l’urbanisation, de la congestion et de la pollution auxquels la société est aujourd’hui confrontée. Le modèle attire, mais bute encore sur de nombreuses difficultés".

Le secteur du transport doit se réinventer

Pour l’usager, le concept est source de grandes promesses : un voyage plus fluide, plus libre, plus expérientiel, plus responsable aussi. Mais nombreux sont les challenges à relever. Sa mise en place réclame d’importants investissements. Par ailleurs, les premières initiatives l’ont montré, les offres de différents opérateurs peuvent être difficiles à mettre en commun : le MaaS doit adresser des profils différents, du trajet quotidien au voyage longue distance… Enfin, dans un monde multi-modal, et avec l’ajout de nouveaux services toujours plus personnalisés, les plateformes MaaS doivent rester simples à utiliser.

N’empêche. Bouleversé par de profondes mutations qui impactent la manière dont les voyageurs choisissent, achètent et consomment, le secteur du transport doit aujourd’hui se réinventer pour séduire des clients volatiles et toujours plus exigeants. « Le danger : la perte de la relation avec le client, estime Pierre-André Rulmont. C’est vrai pour tous les acteurs de la mobilité. Y compris l’industrie automobiles. Voyez Skipr de D’Ieteren. Cette initiative, sous forme d’un agrégateur unique de tous les moyens de transports partagés, publics et privés, est révélatrice du souci de préserver la relation avec le client. »

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« La mobilité est devenue une affaire de comparaison des moyens de transport, mais aussi d’anticipation. Si bien qu’aujourd’hui le trajet s’invite comme une nouvelle chaîne de valeur qui se pense avant, pendant, et après. »

Du transport au service

Au fil du temps, la notion de transport s’efface pour celle de service. Comme le CIO le note avec humour, « tout devient as-a-service ! » Dans cet esprit, le principe de propriété d’un véhicule tend à s’estomper au bénéfice de l’expérience et du partage. D’où la nécessité impérieuse de créer de nouveaux liens avec les voyageurs. Le danger, pour Pierre-André Rulmont, serait de voir cette activité contrôlée par les GAFAM.

« L’expérience client est donc devenue capitale pour fidéliser et engager le consommateur. Plus que le prix ou la rapidité, la qualité du service est devenue le facteur de différenciation dans un écosystème ultra-concurrentiel. Pour y parvenir, il faudra simplifier -en ligne et sur n’importe quel support- la relation client. »

Si les usages de la mobilité se sont déplacés, ils exigent en écho une expérience client de qualité. En tout état de fait, la mobilité des années à venir se trace avec la lettre M pour « multimodale » et « multi-servicielle » tout en étant simplifiée et réactive.

Focus sur l’expérience

Ce qui veut dire, encore, que l’expérience client doit être au centre de l’attention. Il s’agit de construire une offre globale avec les services associés, d’anticiper les besoins. Développer, aussi, des synergies pour accélérer, innover et partager les risques. Et donc mutualiser les forces.

Qui en sera le moteur ? Qui agrégera toutes les données ? En effet, tout indique qu’il sera difficile pour des entreprises de rang mondial, engagées dans une concurrence globale, de livrer leurs données et de coopérer sur des sujets innovants s’il n’y a pas un tiers de confiance pour donner un cadre à ce partage. Un acteur du secteur public, comme c’est le cas dans les pays scandinaves qui ont une longueur d’avance ? Cette question est majeure. « Dans le secteur de la mobilité, les décisions autours du MaaS vont être décisives pour le futur de nos villes, estime encore Pierre-André Rulmont. Le partage des données afin d’éviter la concurrence déloyale et la monopolisation des datas de la part des acteurs privés est primordiale. De plus en plus, l’organisation et l’évolution des villes vont dépendre des datas collectées. »